30/12/2024
ACTUAFRIQUE

Energies renouvelables: Ce qui freine les investissements en Afrique

Alors que 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, les énergies renouvelables offrent au continent la possibilité de s’attaquer à la pauvreté énergétique tout en réalisant ses objectifs climatiques. Mais… 

Malgré ses abondantes ressources solaires et éoliennes, l’Afrique ne capte que 3% des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables, en raison notamment du coût élevé du capital lié aux taux d’emprunt exorbitants consécutifs à une perception du risque défavorable, souligne un rapport publié le 3 juin par Olivier de Souza pour Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.

Intitulé « Pourquoi l’Afrique n’attire pas assez d’investissements dans les énergies renouvelables », le rapport rappelle que l’Afrique possède l’un des plus importants potentiels au monde en matière d’énergies renouvelables. Le continent bénéficie notamment de niveaux élevés d’ensoleillement. D’après la Banque mondiale, des pays tels que la Namibie, l’Egypte, le Botswana, le Maroc, le Soudan et le Niger figurent parmi les pays affichant les taux d’irradiation solaire les plus élevés au monde.

L’Afrique dispose également d’un potentiel éolien estimé à 59 000 gigawatts (GW), soit environ 90 fois la capacité globale actuelle, selon les données du Conseil mondial de l’énergie éolienne. Ce potentiel couvrirait 250 fois la demande énergétique du continent, où 600 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité. Mais seulement 0,01% de cette capacité est actuellement développée, car le continent n’attire qu’une infime partie des investissements dans les énergies renouvelables enregistrés à l’échelle mondiale malgré une demande énergétique sans cesse croissante dans un contexte de forte croissance démographique.   

Les investissements annuels moyens dans les énergies renouvelables en Afrique sont passés de moins de 0,5 milliard de dollars sur la période 2000-2009 à 5 milliards de dollars sur la période 2010-2020, avant de grimper à 10 milliards de dollars entre 2019 et 2023. Or, en moyenne, les besoins d’investissements annuels dans les énergies renouvelables sur le continent sont estimés à 100 milliards de dollars entre 2024 et 2030, d’après l’institut allemand Climate Analytics.

Manque de capacités techniques et financières

Le rapport indique d’autre part que plusieurs obstacles qui dépendent des pays africains eux-mêmes expliquent la faiblesse des investissements dans les énergies vertes. Il s’agit en premier lieu de l’environnement politique et réglementaire peu favorables à ces investissements. Alors que les pays africains mettent traditionnellement l’accent sur les combustibles fossiles pour la génération d’électricité, les politiques nationales relatives aux énergies renouvelables sont globalement peu efficaces. Et même quand la volonté politique existe, les entreprises nationales du secteur de l’énergie manquent de capacités techniques et financières ainsi que d’incitations. Ces entreprises sont, par conséquent, peu enclines à développer de nouvelles capacités d’énergies propres.

De plus, les entreprises publiques de production et de distribution d’électricité subissent des pertes financières importantes, en raison des connexions illégales au réseau électrique, des factures impayées des consommateurs et de l’état dégradé des infrastructures.

Les Etats africains ne fournissent pas aussi des incitations pour encourager l’adoption de nouvelles sources d’énergie. Dans plusieurs pays, les technologies liées aux énergies renouvelables ne bénéficient pas, par exemple, d’exonérations de droits de douane et d’impôts.

L’absence de normes précises d’assurance de la qualité des équipements et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée pour assurer l’installation et la maintenance des équipements sont par ailleurs susceptibles d’affecter la confiance des consommateurs et de les dissuader d’adopter les technologies liées aux énergies propres.

Le manque de données précises sur le marché rebute également les investisseurs privés, et conduit les banques et autres organismes financiers à considérer les investissements dans les énergies vertes comme particulièrement risqués.

Sur un autre plan, les investissements dans les énergies renouvelables en Afrique se heurtent à des obstacles exogènes comme le coût élevé du capital découlant des taux d’intérêts exorbitants des emprunts extérieurs alors que les pays du continent sont déjà fortement endettés.

Les taux d’intérêt appliqués sur les emprunts souverains en Afrique du Sud, au Kenya, au Ghana et au Nigeria varient entre 7,75% et 29,5%. Dans les pays de l’OCDE, le taux d’intérêt moyen des emprunts souverains est passé de 1% en 2021 à 4% en 2023.

D’après le think tank Energy For Growth Hub, l’énergie solaire non subventionnée coûte jusqu’à 140% de plus au Ghana qu’aux États-Unis, uniquement en raison des différences de coût du capital.

D’après le think tank Energy For Growth Hub, l’énergie solaire non subventionnée coûte jusqu’à 140% de plus au Ghana qu’aux États-Unis, uniquement en raison des différences de coût du capital. Ce constat a été confirmé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui a révélé dans son rapport « Financing Clean Energy in Africa » que le coût du capital pour les projets d’énergie propre à grande échelle sur le continent est au moins deux à trois fois plus élevé que dans les économies avancées.

Des PPP pour stimuler les investissements

L’AIE considère aussi que l’investissement dans les énergies renouvelables en Afrique est particulièrement risqué. Contrairement aux centrales énergétiques traditionnelles alimentées par des combustibles fossiles et reposant sur d’immenses réseaux de distribution, les projets d’énergies renouvelables sont souvent plus petits, localisés et desservant des consommateurs dont la capacité de paiement est limitée.

En outre, les progrès rapides enregistrés ces dernières années au niveau des technologies liées aux énergies renouvelables peuvent entraîner des incertitudes quant à la viabilité et à la compétitivité à long terme de certains projets. Le rapport précise cependant que des solutions existent pour encourager les investissements dans les énergies renouvelables sur le continent. La mise en place d’un cadre politique et d’un environnement commercial favorables constitue une mesure clé dans ce chapitre. Les gouvernements doivent, dans un premier temps, débloquer des financements publics pour la R&D (Recherche et Développement) par l’intermédiaire d’incitations fiscales, (crédits d’impôts recherche) ou financières (subventions, prêts à taux zéro), afin de soutenir l’innovation dans les technologies des énergies renouvelables.

Des politiques de soutien au déploiement des solutions énergétiques renouvelables sont ensuite nécessaires. Ces politiques sont classiquement organisées en deux catégories : les politiques basées sur les prix et les politiques basées sur les quantités. Dans la première catégorie, les tarifs d’achat garantis (FIT pour Feed In Tariff) et les dispositifs de primes ont pour objectif d’inciter les agents économiques à investir dans de nouvelles capacités de production, en garantissant un prix de rachat qui assure la rentabilité des investissements dans un cadre stable et prévisible. Dans la deuxième catégorie, les politiques basées sur les quantités fixent des objectifs d’intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique et s’appuient sur des systèmes d’enchères ou des dispositifs de flexibilité tels que les certificats verts. Et last but not least, les partenariats public-privé (PPP) offrent un potentiel significatif pour stimuler les investissements dans le secteur, au regard de leur capacité à fournir un soutien financier significatif et à encourager la collaboration entre les acteurs étatiques et privés.  

Source : Ecofin

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