Chronique éco. Face aux crises : dé-mondialisation et souverainisme !!!!
La reprise économique attendue pour 2023 tarde à venir alors qu’on vient d’achever le troisième trimestre. Les institutions internationales corrigent à la baisse les prévisions de croissance de nombreux pays et régions. L’Asie s’essouffle alors que l’Europe patine avec la crise ukrainienne. Seules les Etats Unis tirent leur épingle du jeu en jouant au chaud et au froid sur le prix du pétrole et du gaz. Le pétrole et le gaz de schiste des USA deviennent le régulateur du marché des hydrocarbures. L’exploitation des gisements de schiste n’est rentable qu’à des prix de vente très élevés que certains experts estiment à 40 $ le baril de pétrole. Cette situation de pénurie relative de l’énergie profite d’abord aux américains et en second lieu aux pays autres pays exportateurs ; mais en contrepartie l’inflation induite par le coût de l’énergie obère significativement les efforts de modernisation économique de ces pays. Les matières premières agricoles connaissent un peu le même effet, suite à la crise d’Ukraine et des sécheresses dans plusieurs régions du monde. La crise de Gaza va encore impacter les marchés de l’énergie, lorsque l’on sait que près de 40% de l’énergie dans le monde vient de la région du Moyen Orient.
Toutes ces situations de crises, soit de guerre ou liés à la nature, créent des pénuries qui vont au-delà des produits naturels (énergie et agricoles) et touchent certains composants électroniques pour l’industrie automobile principalement. Aujourd’hui les délais de livraison des véhicules en Europe atteignent 6 mois en moyenne.
Une économie de pénurie rappelle les économies soviétiques et est-européennes de la période socialiste. Cette économie ne peut être compétitive en raison des coûts logistiques qui deviennent très lourds (coût de détention de stocks quand c’est possible et coûts de rupture de stocks).
La tendance à stocker des produits agricoles au-delà des seuils habituels accentue la demande et enflamme les prix de certains produits. La confiance sur l’avenir est très faible, les investisseurs anticipent peu sur les marchés émergents alors que la précaution est de mise sur l’ensemble des secteurs. La pénurie est partout. La mondialisation commence à s’essouffler alors que le repli économique, patriotique et même souverainiste, connait déjà ses limites. Le souverainisme économique est antinomique de la mondialisation.
La « dé mondialisation » prendra beaucoup de temps et aura un coût énorme. Le repli sur soi n’a jamais été un facteur de croissance même pour les économies ayant des marchés de grandes tailles. Les guerres, ici et là, sont aussi de nature à aggraver le climat de méfiance et les risques sur les marchés. Jamais, dans l’histoire économique contemporaine, la confiance n’a été aussi faible entre pays ; la règle de précaution est de mise à tous les niveaux. Cette méfiance à l’intérieur du pays comme à l’extérieur annihile les paris sur l’avenir, le vrai moteur de la croissance, et fait augmente considérablement les coûts de transaction.
La dé-mondialisation ne signifie pas la suppression des échanges entre pays. On revient aux règles nationales de protection, de sauvegarde, de régulation du commerce extérieur. Chaque Etat aura la liberté de fixer ses règles sur son commerce extérieur, négocier ses approvisionnements avec d’autres pays souverainement.
Au final, cette question de souveraineté, particulièrement dans les domaines alimentaire et énergétique, peut être porteuse de prospérité pour les pays affectés par les marchés mondiaux totalement dominés par des positions oligopolistiques, si elle est imaginée, organisée et mise en œuvre dans un cadre régional ou sous-régional. Le cas de l’Afrique pourrait être un modèle à construire dans cette perspective.
ANOUAR EL ANDALOUSSI